Philippides 2013 - texte DIX

Pierrot Pantel : Les Cévennes, mon père et moi…

 

« Fils de… » pendant longtemps, Pierrot Pantel a changé de statut depuis son titre de champion de France espoir de cross l’an passé. Rencontre.

 

« Papa, il est temps que je rentre à la maison pour que tu me dises que je suis une merde (sic) ». Le propos peut surprendre mais résume bien la relation en Thierry, le père, trois fois champion de France en cross et sur 10 000 m et Pierrot, le fils, champion de France espoir  de cross l’an passé à Vichy. Thierry suit la carrière de son fils mais son principal souci, « c’est surtout de lui remettre les pieds sur terre quand il déconne un peu ». Pierrot sait aussi que son père était fier de lui après cette victoire inattendue : « Ma mère me l’a passé au téléphone 3 minutes après la course, j’ai entendu dans sa voix qu’il était heureux ». Le père, le modèle : 13’17 au 5 000 m, 27’31 et record de France sur 10 000 m. 3 titres en seniors, plusieurs sélections en équipe de France.

Comment gérer sa carrière quand l’ombre du père est toujours présente, lui qui a rangé les pointes il y a 10 ans à peine ? « Ce n’est pas si difficile que ça, tempère Pierrot. Certes, on a le même entraîneur (Bernard Brun), mais on est totalement différent. Et surtout, il me laisse faire mon truc. En fait, je pense que c’est plus facile d’avoir eu un père qui a fait une carrière plutôt qu’un qui n’a pas réussi à en faire une et qui reporte tous ses espoirs déçus sur ses enfants. Et puis, ça apporte un capital sympathie énorme. Les gens sont d’emblée sympas avec moi en souvenir du bonheur que mon père a pu leur apporter. Et ça, ça n’a pas de prix ».

 

Jean Bouin 93 avec Khalid Skah

 

Pierrot aurait-il pu faire autre chose que de la course à pied ? : « Je ne pense pas. Gamin, j’ai bien essayé le foot, mais je n’ai pas tenu un an. Le judo m’a plu mais c’était en attendant de pouvoir faire de la compétition en athlé. On me demande souvent depuis combien de temps je cours. Mais je cours depuis toujours ! En fait, et ce n’est pas forcément évident dans ma construction personnelle, je crois que je suis à la recherche d’éprouver moi-même les sensations que mon père a pu ressentir quand il courrait. Par exemple, quand je fais une séance sur piste sous la pluie, je m’imagine parfois être mon père à Jean-Bouin en 1993 quand il a réalisé 13’17’’. C’était sous un déluge et il y avait le champion olympique du 10 000 m de Barcelone. C’était une course énorme et même si je n’avais que 7 ans, j’en ai souvent entendu parler. Moi aussi je veux connaître ça. Avant j’écoutais, aujourd’hui, je comprends ».

Hasard du calendrier, Pierrot est né le 15 janvier 1986, quelques semaines avant que son père n’obtienne sa première sélection en cross grâce à une sixième place obtenue au championnat de France qui se déroulait cette année-là à…Laval, comme cette année. Une motivation supplémentaire pour tenter d’accrocher une première sélection chez les seniors ?  « J’adorerais, mais j’ai peur que ça fasse un peu tôt, surtout que j’ai plus de mal à m’entraîner cette année. J’ai réussi le concours d’agent technique de l’environnement, mais j’ai été nommé à Melun (77) et c’est beaucoup trop loin de mes Cévennes qui me manquent terriblement ». L’attachement aux Cévennes, autre point commun avec le père : « C’est une vraie souffrance d’être loin de ma terre. J’espère obtenir une dérogation pour pouvoir être muté plus rapidement et me rapprocher du Parc naturel des Cévennes ».

 

Le temps d’un week-end, le père et le fils se retrouveront dans les bois de l’Epau. Pierrot viendra se tester dans la course des As et évaluer son niveau au contact des meilleurs Français. Son père l’encouragera discrètement pour ne pas lui faire d’ombre : « Ce dont je suis le plus heureux, glisse Thierry, c’est que de plus en plus souvent les gens me demandent : « Vous êtes le père de Pierrot ? ».

 

Arnaud Laviolette

 

Publié dans Ouest-France le 17 janvier 2008

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